Mellery

Il n’est pas simple de résumer un dossier qui a tenu les Mellerysiens en haleine pendant près de 20 ans. Nous avons essayé de synthétiser les aspects importants en distinguant:

1. L’historique de la décharge
2. La pollution
3. Les actions judiciaires
4. Le suivi médical

Vous retouverez toute l’évolution du dossier de la décharge de Mellery en parcourant  les archives des anciens bulletins du cadev depuis sa création en 1988. Bonne lecture!

1. Historique de la décharge

1976 : premières extractions de sable

1983 : premiers déversements de déchets industriels, en principe « non dangereux et non toxiques »

1987 : mis au jour du trafic de Bouman, Stevens et Heremans en provenance des Pays-Bas

1988 : création du Cadev suite au projet de Cockerill Sambre d’ouvrir une nouvelle décharge à Gentissart et à la découverte de la pollution à Mellery

1989 : fermeture de la décharge par le ministre de l’Environnement, G. Lutgen

1990 : premiers travaux d’assainissement sur la partie Nord (2.5 ha) par la RW

1993 :
– Création d’un comité d’accompagnement
– Mise sur pied d’une commission d’enquête parlementaire afin de démêler les responsabilités des autorités publiques
– Création de « Mellery la vie » qui regroupe les personnes inquiètes de la publicité négative autour de la charge de Mellery et charge les médecins généralistes, les médias et le Cadev.

1994 :
– Extension des travaux d’assainissement à la partie Sud de la décharge. Dans la zone dite « Sud-Sud », une importante pollution a été détectée. La Spaque envisage la construction d’un mur emboué pour stopper les eaux qui s’écoulent de la décharge. En 96, ce projet sera abandonné.
– La commission parlementaire dépose ses conclusions. Elle évite d’établir les responsabilités des politiques. V. Feaux, D. Ducarme et G. Lutgen se dédouanent.
– En octobre, G. Lutgen annonce la création d’un fonds d’indemnisation pour les personnes désireuses de quitter Mellery.

1995: En septembre, la famille Van Caillie qui avait quitté sa maison sur les recommandations de L. Onkelinx (en raison des concentrations élevées de benzène) n’obtient pas d’indemnisation pour le préjudice subi et les frais encourus.

1997: Fin des travaux de recouvrement de la partie Sud-Sud par la Spaque.

1998: L’Arrêté de création du fonds d’indemnisation est publié au Moniteur du 15/12/98 et vise les personnes ayant subi un dommage à leurs biens, patrimonial ou matériel.

1999: la Province du Brabant wallon rachète la carrière de Gentissart à Cokerill-Sambre, afin d’en faire un site protégé (13 ha). Un Comité de gestion sera chargé de le superviser. Elle est officiellement inaugurée en mai. Son classement officiel en réserve naturelle interviendra en mars 2004.

2000: le nouveau ministre de l’Environnement, M. Foret préconise d’attendre la fin des procédures judiciaires pour faire bénéficier les Mellerysiens du fonds d’indemnisation.

2001: la Spaque installe un rideau de 50 puits de pompage pour stopper les eaux, qui s’écoulent vers le village en deux panaches principaux, et une station d’épuration des eaux sur le site de la décharge. A ce stade, les travaux de la Spaque s’élèvent à 27 millions €.

2.La pollution

La décharge, d’une superficie de 25 ha, contient environ 850.000 M3 de déchets. La pollution touche:

– L’eau. Le fond de la décharge n’étant pas étanchéifié correctement, les déchets sont en contact avec la nappe phréatique. L’eau qui s’écoule est porteuse de produits toxiques et dangereux (anilines, toluidines, antralimines, xylidines, phénols, benzothiasoles, phtalates, hydrocarbures, …). La station de puits de pompage d’eau de distribution (SDWE) est rapidement fermée.

– La terre. Les agents polluants ont contaminé les terres des jardins de la rue de Thébais par le transport de l’eau à travers les parois de la décharge (2 flux principaux). Le sol sablonneux facilite les écoulements. On retrouve trace de métaux lourds (plomb, cadmium, hydrocarbures polyaromatiques, …). Les habitants doivent cesser la culture de leurs potagers.

– Les gaz. Les déchets en décomposition produisent des réactions chimiques. La présence de gaz cancérigènes (benzène, toluène) sont relevés dans les caves des habitations des habitants de la rue de Thébais. La première mesure prise sera de capter les gaz et de les brûler dans une torchère installée sur la décharge.

Au départ, le Cadev réclame l’évacuation des déchets de la décharge et leur retraitement. Ensuite, en 1991, devant les risques pour la Santé de rouvrir la décharge, il renoncera à cette requête et privilégiera l’assainissement complet du site.

3.Actions judiciaires

3.1 Action en référé au tribunal de 1ère instance de Nivelles

En juin 1989, action en référé du Cadev contre le projet d’ouverture d’une décharge industrielle par Cockerill-Sambre à Gentissart. Le 2/8/89, le tribunal interdit tout versage à Cokerill. Confirmation en appel à Bxl le 2/11/89. Rejet du recours en Cassation des Sablières Réunies le 19/4/1990.

3.2 Action au civil à Nivelles (tribunal de première instance)

Février 1990, les riverains déposent plainte au civil contre la Province (pour légèreté dans la délivrance des autorisations et les conditions d’exploitation, négligence des PV du Service de Prévention des Pollutions), contre la Région wallonne (inertie, manque de contrôles), contre les Sablières Réunies et son exploitant J. Heremans (importation de déchets non conformes aux autorisations).

Une deuxième citation est déposée à Nivelles contre l’état néerlandais et la province de Zuid Holland pour exportation de déchets toxiques sans souci pour l’effet sur l’environnement et au mépris de la législation en Région wallonne

Le 6/11/1990, le tribunal décide d’une expertise judiciaire (3 experts) ayant pour mission de déterminer les méthodes d’analyse de la pollution, d’établir un état des lieux (type et nature de la pollution, étendue de la pollution, risques pour la population) et d’exposer les solutions envisageables à court, moyen et long terme. Il revient en principe aux plaignants de financer l’expertise. La Province acceptera de débloquer une première tranche de 5 M FB. Les difficultés commencent de suite pour les experts: le propriétaire du terrain (Gilles) refuse l’accès au site pour l’expertise comme pour les travaux d’assainissement, les experts et la Région wallonne ne s’entendent pas.

Fin 1993, les experts déposent une note de conclusions préliminaires.

Fin 1994, la Province de Brabant rajoute 15 millions pour relancer l’expertise judiciaire en panne de fonds.

En septembre 95, les experts déclarent vouloir une campagne de forages dans et sous la décharge (partie Nord). La Spaque, la Commune et un propriétaire s’y opposent.

En juin 96, les experts proposent un nouveau plan d’investigations.

Avril 97, les experts se plaignent des travaux de la RW qui ont rendu le site inaccessible et des obstacles créés par un riverain (J. Lavry) pour accéder à sa propriété. Après cinq audiences, le conflit n’est toujours pas tranché. La RW refuse d’être la maître d’oeuvre des experts.

En juillet 98, le Tribunal ordonne finalement aux experts de procéder à 12 forages. A l’audience de novembre, les experts déposent un rapport en « complément de préliminaires ». Ils déclarent aussi refuser de prendre la responsabilité des forages. Ils acceptent finalement en décembre en posant des conditions à la Région wallonne, qui les refuse.

En juin1999, le juge fixe un nouveau délai d’exécution aux experts: mars 2000 mais la Région y reste opposée.

En mai 2000, les experts déposent un plan de forages (9 seulement car les experts d’Anvers en ont déjà fait 3). Cette fois, ils seront enfin réalisés.

2001: Les experts déposent leurs conclusions préliminaires. Il incombe à présent aux diverses parties de faire valoir leurs observations

2002: Les experts suggèrent une conciliation entre les différentes parties, en évaluant les préjudices matériels et moraux. Ils préconisent un dédommagement des dommages subis par les personnes ayant servi de prête-noms à l’action en justice de 1990 (les asbl n’ayant pas la possibilité d’ester en justice), ainsi que de celles ayant été en justice en nom propre (3 personnes). Un montant de 940.000 € est débloqué. De la défense du droit à un environnement sain, on débouche sur la défense d’intérêts personnels.

La procédure de conciliation aboutit en 2003. En échange, le Cadev doit abandonner toutes ses actions en justice à Nivelles comme à Anvers. Fatigué de l’expertise qui n’en finit pas et craignant l’enlisement, il a estimé que les procédures avaient assez duré et qu’un mauvais accord valait mieux que pas d’accord du tout. Certains prête-noms ont accepté l’indemnisation, d’autres pas.

3.3 Action au pénal à Anvers

1987, le Parquet d’Anvers stoppe le trafic de déchets en provenance des Pays-Bas. La soi-disant usine de retraitement des déchets était la villa du transporteur Stevens à Schilde (Anvers). En réalité, es déchets allaient directement à la décharge de Mellery. Heremans passe 15 jours en prison et avoue au commissaire Van Doorslaer connaître l’origine irrégulière des déchets. Plusieurs riverains de la décharge se constituent partie civile.

Mi-octobre 1992, après une longue enquête, la chambre du Conseil d’Anvers renvoie en correctionnelle Heremans et les transporteurs Stevens, De Block et De Dijcker.

Fin 1994, Heremans est condamné à 5 ans de prison, les transporteurs à 2 ans mais ils interjettent appel en début 95.

En juin, la Cour d’Appel rejette certains chefs d’accusation mais retient l’accusation de coups et blessures involontaires. Elle nomme un collège interdisciplinaire de 6 experts chargé de faire rapport dans les 12 mois des risques pour la santé des habitants. Suite à cette décision, la Région wallonne fait appel du jugement, se pourvoit en Cassation puis finit par y renoncer en décembre 95. Les experts, pour leur part, attendent le budget de financement. L’autorisation leur est accordée de démarrer l’expertise en décembre 95.

Les experts démarrent leurs travaux en septembre 96.

En 1998, ils déposent leurs conclusions. Le Tribunal constate que l’expertise n’est pas contradictoire! Il décide en septembre de confirmer les 6 experts et leur enjoint de recommencer une expertise contradictoire.

En 1999 et 2000, les experts mènent l’enquête. Ils procèdent à 3 forages dans le décharge. En novembre 2000, ils demandent une prolongation de leur mission.

Fin 2001: Les experts déposent leurs conclusions définitives. Selon eux, la pollution causée par la décharge est incontestable; l’analyse des déchets révèle la présence de métaux lourds, benzène, xylène et de produits cancérigènes concentrés. Les prescriptions d’agrément de la décharge n’ont pas été respectées (couverture de fond de la décharge insuffisante). La nappe aquifère est très polluée et s’est répandue dans la rue de Thébais. L’étude des chromatides soeurs sur la période 90-92 a prouvé que les habitants ont été exposés à des agents génotoxiques. Malgré cela, le lien causal avec la décharge ne peut être prouvé de manière indubitable, même s’il est très vraisemblable.

En novembre 2002, la Cour fixe le calendrier des plaidoiries pour l’année suivante.

L’affaire est mise en délibéré en juin 2003 et se termine par l’acquittement des prévenus, le lien formel entre la décharge et l’atteinte à la Santé n’ayant pas été établi.

Fin 2003, la conciliation proposée par les experts à Nivelles étant sur le point d’aboutir (elle oblige le Cadev, en cas de succès, à abandonner toutes ses actions judiciaires, y compris à Anvers), le Cadev introduit un recours en Cassation à titre conservatoire. La Région wallonne annonce qu’elle poursuivra seule les actions judiciaires en Cassation. Elle réclame toujours 25 millions € provisionnels pour les travaux réalisés par la Spaque.

Avril 2008, la Cour européenne de Justice à Strasbourg condamne l’état belge à verser 30000€ de dédommagement à Heremans en raison des lenteurs excessives de la justice. Outré, le Cadev demande à la Région wallonne la saisie des indemnités à titre d’avances sur les sommes réclamées.

2009, le procès en Cassation est toujours en cours. Le Cadev redoute la prescription.

3.4 Procès pour diffamation à l’encontre du Cadev, suite à la parution d’une lettre ouverte à M. Lavry dans son bulletin de février 1994.
1994 J. Lavry, fondateur de « Mellery la vie » intente un procès aux 11 administrateurs du Cadev pour informations inexactes, propos diffamatoires, atteinte à l’honorabilité.
Un an plus tard, il est débouté.

3.5 1995, à Namur, un habitant de Mellery assigne à titre personnel la Région wallonne, la Province de Brabant, la Commune et la Communauté française. Deux autres adopteront la même démarche.

4. Le suivi médical

Mai 1990 : première campagne de prélèvements sanguins chez quelques volontaires afin de rechercher des signes de toxicité, la présence éventuelle de métaux toxiques (cadmium, plomb), des altérations chromosomiques au niveau de certains types de globules blancs. Le Cadev regrette les résultats incomplets et la taille réduite de l’échantillon.

Mars 1991 : le Cadev réclame un suivi médical sérieux à charge des pouvoirs publics.

1992 : nouvelle campagne de prélèvements sanguins. Les résultats sont très inquiétants et révèlent une augmentation significative d’échanges de chromatides sœurs (SCE), preuve que les habitants ont été exposés à des agents polluants. Grosse inquiétude de la population. Les médecins généralistes de l’entité réclament de dégager des moyens, de créer une structure de scientifiques, d’assurer l’information de la population.

Juillet 1993. Mme Onkelinx, en charge de la Santé, estime nécessaire de déclarer insalubres les habitations en contrebas de la décharge et demande l’évacuation d’une maison de la rue de la Brasserie. Elle se base sur l’étude du Professeur Klastersky de l’Institut Bordet basée sur les prélèvements sanguins. Le bourgmestre minimise. Une étude restreinte du Dr Gourdin d’analyse d’urine est plus rassurante: les seuils de détection de 4 hydrocarbures (benzène, toluène, xylène, trichloréthylène) ne sont pas atteints.

1994:
– Les dernières analyses de l’I.H.E. (Institut d’Hygiène et d’Epidémiologie) indiquent un retour à la normale des SCE chez les enfants.
– En mai, on annonce la mise sur pied d’un suivi médical pour après les vacances pour les habitants de Mellery entre 1987 et 1992. Il ne sera jamais mis en oeuvre par manque de budget.
– Nouvelle campagne de prélèvements sanguins par l’IHE (nov 94 – jan 95). Les résultats sont attendus pour septembre.

1995: nouvelle annonce par L. Onkelinx de la prochaine mise sur pied d’un suivi médical en collaboration avec Bordet et l’université de Liège pour une durée d’un an. En 96, la ministre-présidente de la CF annonce que le suivi médical incombe à le RW pour les années suivantes. Problème: il n’y a pas de budget inscrit en 96 ni à la CF, ni à a RW.

Juin 1996: un suivi médical, limité à une seule année, est mis en place pour les habitants de 1984 à 1994. 350 personnes s’inscrivent et font l’objet de prélèvements sanguins. Les résultats arrivent à la mi-1998 mais ne sont communiqués aux intéressés qu’en février 1999 en raison des hésitations du ministre de la Santé qui juge les résultats préoccupants. Le taux d’échanges de chromatides soeurs est anormal.

1999: Région wallonne (G. Lutgen) et Communauté française (L. Onkelinx) annoncent un accord de financement pour un suivi médical de 5 ans (1999, 2001 et 2003). Il est confirmé en décembre, mais sans calendrier précis. Il est décidé de mettre en place une cellule de communication, confiée au groupe Spiral de l’Ulg.

En décembre 2000, sur base du Comité scientifique de professeurs de l’Académie de Médecine, les nouveaux ministres M. Foret (RW) et N. Maréchal (CF) confirment les intentions de leurs prédécesseurs.

Avril 2002, la Communauté française (N. Maréchal) annonce avoir confié au Professeur Grivegnée le pilotage d’un nouveau suivi médical de 10 ans: examen annuel gratuit par les généralistes de l’entité pour tout habitant dans un rayon de 10 Km.

La convention est signée en juin 2003. Il concerne un potentiel de 1000 personnes, en incluant les anciens habitants de Mellery qui ont quitté le village. Le budget est de 165000€ la première année, 75000 les années suivantes (10 ans au total). 7 mois se passent sans rien de concret. La faute incombe à Bordet et aux généralistes qui ne s’accordent pas sur les mesures à mettre en oeuvre.

Mai 2004, la ministre de l’Aide à la Jeunesse et à la Santé invite à se rendre chez son médecin traitant. 127 personnes s’inscrivent sur 581 invitées.

2005: Le contenu du suivi médical se révèle très en deçà du protocole annoncé en mai 2004, limité au risque de cancers, mal adapté au suivi de personnes ayant été exposées à une pollution de longue durée. Grosse déception de certains généralistes (l’un d’entre eux s’est spécialisé en médecine environnementale) qui regrettent les occasions manquées d’un monitoring exemplaire. Les médecins de l’entité et le Cadev réclament une redéfinition du contenu du suivi médical. La Communauté française (C. Fonck) accède à leur demande et donne un an à un comité scientifique pour trancher entre les généralistes et Bordet.

Juin 2006, le comité scientifique n’ayant encore remis aucun avis, le Cadev renonce à poursuivre le suivi médical dans sa mouture actuelle. Seule une partie des généralistes continue à le prôner. En 2005, le nombre de patients inscrits était déjà tombé à 52. Ils furent encore 26 en 2006 et 0 les années suivantes.

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